« Qui de toi ou de moi, est l’étranger de l'autre ? » c’est par ces mots – tellement d’actualité – de Marion Deneux, en écho à Mohamed Dib,* que débuta vendredi soir, dans le cadre du Festival International de Documentaires, le concert de musique chaâbi donné par le groupe D'une rive à l'autre récemment créé à Lasalle.
N’ayant pu, pour diverses raisons, assister aux répétitions auxquelles j’avais été invité, j’avais hâte de découvrir le travail réalisé depuis deux ans par cette phalange de 23 musicien/nes et choristes, sous la direction du chef de chœur Amine Soufari.
Ce fut un moment de grâce, comme il s’en produit parfois, de communion du public avec les artistes. Une foule métissée de plusieurs centaines de personnes (respectant pour la plupart les gestes barrières) avait envahi la place Jean Gazaix devant la mairie et nous nous laissions emporter sur l’autre rive par la musique algérienne d’origine arabo-andalouse. Le chœur féminin qui avait dû apprendre les textes en arabe et les musicien/nes de l’orchestre déroulaient les volutes des mélodies chaâbi, élégies d’amour de Dahman El Harachi et de Cheikh El Yamine, échappées des rues chargées de mystère de la casbah d’Alger, portées par la voix d’Hacene Benissad aux accents retrouvés de Mohamed Al Anka et par des textes en français de Marion Deneux prononcés par la talentueuse Claire Léonard. Ces jeunes françaises m’ont ému, qui grâce à leur travail ont réussi à atteindre les sommets sublimes du lyrisme algérien. Aux rythmes langoureux succédèrent les plus endiablés qui entraînèrent dans la danse une jeunesse avide de s’exprimer après les contraintes du confinement sanitaire et la soirée se prolongea fort tard dans la nuit.
Il revint à Joachim Portalès, le président de D’une rive à l’autre, de remercier les artistes et le public ainsi que celles et ceux qui ont contribué à la réussite de cette belle soirée, notamment la municipalité de Lasalle. J’ai été confus d'être également remercié publiquement, le peu que j’ai fait ayant été si largement compensé par le bonheur rare éprouvé ce soir. Un immense mérite en revient à Amine Soufari, originaire de Laghouat, aux portes du désert, aujourd’hui pianiste, compositeur et chef de chœur dont les prestations sont saluées par l’ensemble de la critique, ainsi qu’à Françoise Malaizé, animatrice de la résidence d’artiste Le Pont des Arts à Lasalle, initiatrice de ce projet et qui en est l’âme
Bernard DESCHAMPS10 juillet 202
* L'arbre à dires de Mohamed Dib, 1920-2003, Grand prix de la francophonie, 1994. (signalé par Naget Khadda, universitaire spécialiste de Mohamed Dib).